Date de la machine : années 50 à 60 (?)
Origine de la machine : Italie

Pays d'achat : France
N° de série : 6608 et AP2584


     

épisode 1
épisode 2
épisode 3





J'avais déjà évoqué, à la rubrique consacrée aux moulins,  mon attirance pour ces vieux engins.
Je me cite "
Ma grande peur, c'est que je commence à lorgner sur les vieux moulins,
ceux qui sont dotés d'une grosse trémie de verre travaillée, ciselée.
Faut vraiment que je m'ôte cette idée de la tête  "

Bon voilà, l'idée a mal été ôtée...

J'avais vu ce moulin sur un site de vente sans trop d'indications concernant sa marque, son état, son fonctionnement.
Fonctionnait-il encore ?
J'ai fait une proposition de prix sans trop d'espoir,  mêlant excitations et regrets, me demandant ce qui m'avait pris
de me lancer dans cette aventure.
Et l'offre a été acceptée.
Les regrets sont vite passés, car je trouvais l'objet assez beau, pour ne pas dire franchement beau.
Il ne me restait plus qu'à aller le chercher. 160 km aller et 160 km retour...enfin pas tout à fait, car parfois il y a des aléas.
On verra cela plus tard.
Voici la bête en photo sur l'annonce.




Rendez-vous est prévu pour le mercredi suivant en région parisienne.
Le jour venu, on pouvait entendre, depuis la veille, les alertes météos à la télévision comme à la radio prévues pour ce jour-là. Chouette!
Effectivement, à peine avais-je parcouru une quarantaine de km qu'une averse s'est abattue sur l'autoroute d'une force, d'une violence inouïe. Je n'avais jamais vu ça et, ne sachant trop que faire, me mettais à rouler à 60 km/h avec les feux de détresse. Certains continuaient à rouler comme si de rien n'était et je ne sais vraiment pas comment ils faisaient tant la visibilité était nulle, d'autres stoppés sur la bande d'arrêt d'urgence avec ou sans feux de détresse. Ca a duré 5/10 interminables minutes et je ne brillais pas par mon assurance au volant, chantant à tue-tête dans la voiture certainement pour masquer mon angoisse.
Je subirai à deux reprises de tel déchaînement climatique entrecoupé de rafales moins violentes.
A l'occasion d'accalmies, on pouvait constater sur la voie d'en face quelques accrochages.
Heureusement que cette portion d'autoroute n'est pas extrêmement fréquentée.
A une trentaine de km de mon but final, au nord de Paris, il y avait un bouchon démentiel en face.
 Je me disais qu'avec un peu de chance celui-ci serait résorbé à mon retour.
Arrivé enfin à bon port, je récupère le moulin. Il est d'une lourdeur!! il faudra que je le pèse.
A une certaine époque, on ne lésinait pas sur les matériaux, c'est assez insensé. Tout est massif, tout est puissant, tout est démesuré.

Mais au retour le GPS me signale une route bloquée, certainement celle que j'ai vu à l'aller et me propose un chemin détourné, que j'accepte.
 Je me suis retrouvé à contourner complètement l'aéroport Charles de Gaulle par les petites départementales.
Dépaysement assuré et également bouchons puisque je ne devais pas être le seul à avoir accepté ce nouvel itinéraire.
Pour un aller/retour estimé à 3h00 j'aurais effectué un voyage de plus de 5h00.


Pour un moulin.




Pour ce moulin.


Ce qui change tout, car finalement les regrets auraient été de ne pas avoir osé.
Je vous le présente à la lumière du jour et sous un bel aspect, car en fait je suis rentré assez tardivement chez moi
et les premières photos sont celles qui suivent.











Le moulin est majestueux, magnifique. J'espère pouvoir le mettre en association avec mes machines, reste à savoir s'il fonctionne.
Par endroits le chrome a disparu ou a été rayé sous l'assaut répété de ces fichues éponges munies d'un dos vert...
La trémie est superbe, intacte, précieuse. Le logo Scai Arca est simple, mais me plaît bien.
Une seule petite bosse à déplorer sur la partie basse "gros" cylindre.


Une petite visite du dessous s'impose.
La prise est une prise simple 2P, même pas de terre!
Je ne trouve pas de valeurs ohmmètriques sur celle-ci, aïe!
Par contre derrière les contacts de l'interrupteur des valeurs s'affichent, ouf!



Ouf, enfin ouf pas tant que ça, car les valeurs mesurées me semblent étranges. 3,8 ohms ! ça ne fait pas beaucoup tout de même.
Je pensais être guidé grace à ces valeurs pour déterminer, éventuellement, les caractéristiques du moteur (puissance, voltage)
mais finalement me plonge encore plus dans mes interrogations.

Un petit tour du propriétaire et le démontage peut commencer.




Le doseur est démesuré et sera pesé 5kg150 un peu plus tard.
Le moulin a été revendu en France par la société Juvara.
Malheureusement, là où se trouve habituellement la plaque signalétique de Scai Arca avec les informations de voltage, puissance et n° de série, a été placé la plaque Juavara des plus succinctes.
La molette de réglage de finesse de mouture, qui de prime abord, me laisse penser que le réglage sera plus grossier que mon mazzer. On verra qu'il n'en est rien et bien au contraire.




Je dévisse les trois jolis boutons chromés de la bague de réglage /porte meule supérieur et ensuite serre la bague ce qui a comme effet de lever, plutôt de décoller, la bague du reste du moulin.
La meule inférieure se découvre alors.



Les meules sont émoussées comme je n'avais jamais vu.
Le dernier tenancier avait dû les serrer à mort pour obtenir quelque chose avec ce moulin !






Je démonte la carrosserie, jusque-là ça va..
Le cache arrière, le porte doseur etc. tout est fort bien ajusté.







Des numéros. Le 90 (ou 06?) que je retrouve un peu partout et qui est certainement le repérage d'usine propre à toutes les pièces de ce moulin.
AP2584 qui est son N° de série d'origine Asca et on peut voir un moulin similaire AP2570 sur le net.
Certainement son grand frère.
Au sujet de Scai Arca on trouve très peu d'informations, très peu de photos.
Mais visiblement voudrait signifier "Societa Costruzioni Apparecchi Industriali"
Voilà pour Scai, mais pour Arca...?
Et pour finir le n° du moteur.



Je commence par le doseur et retire sa plaque de protection du dessous.


Beurk ! La mention junior est inscrite sur la poignée. Combien de fois ce compteur
a t-il fait le tour ?
et quand s'est-il figé sur 4500 ?






Toujours ce n° 90 De l'engrenage fait pour durer..ça laisse rêveur. Ca sent le propre.



Le remontage peut être fait, finalement ce n'est pas un assemblage trop compliqué.






Le système de bague et contre bague, très beau, permet de monter et descendre les pales qui entraînent le café.
 J'imagine que c'est prévu pour les grosses quantités de café, comme pour un groupe hôtel.


La grosse partie m'attend à présent avec le bloc moteur. En effet, je n'ai pas eu le courage de le brancher sur le 230v.
Je me suis souvenu avoir un transformateur 220/120 dans un coin et j'ai réalisé un essai.
Le moteur a démarré, mais le bruit était tel et le mouvement  des meules si peu convaincant
que je restais perplexe sur la suite des opérations à effectuer.
Je me voyais déjà chiner un moulin d'occasion,  lui chipper son moteur et le greffer à la place de celui-ci.
J'en parlais à mon ami Sébastien qui m'a orienté vers un pro du moteur électrique et qui tient un blog à ce sujet.
Gérard Labobine...
Déjà tout un programme, mais lorsque l'on visite son blog, on comprend qu'il a l'air de connaitre un peu le sujet.
Je lui envoyais un message et eus une réponse des plus rapides!
Avec les éléments que je lui avais donnés, il partait sur l'idée d'un moteur monophasé universel à balais et  me conseillait, pour y voir plus clair, d'ouvrir complètement le moteur!
Rien que ça..
Des fois on se demande pourquoi on a mis le nez là ?!





Je désolidarise le moteur de sa base, il fait pratiquement toute la hauteur du moulin.
En fait c'est un habillage autour d'un moteur qui semble être fait et non l'inverse.
 Il y a en dessous et au-dessus deux écrous, qui vont ensemble et que je retire sans soucis.
Par contre les deux vis, même dévissées ne me laisse pas beaucoup imaginer leur utilité. Pour l'instant.
Je pratique un repérage sur la carcasse des fois que j'arrive à le désolidariser seul et que je sache le remonter dans le bon sens.
 Il s'avérera que c'est complètement inutile. Pour la simple raison, que le moteur est composé de trois éléments extérieurs.
Que le flasque bas a un trou derrière (bon oui comme beaucoup) que le stator a son n° de série devant et que le flasque haut à son encoche de sortie de café devant.






On me suggère d'être très précautionneux en tapant sur les flasques.
Il ne s'agit pas de taper comme un fou, mais de tapoter au maillet.
Je reste dubitatif devant la manoeuvre et après quelques petits coups, je préfère abandonner et voir ça avec Armand.

Alors en attendant je vous propose un petit intermède publicitaire..

Je vous ai parlé un peu plus haut de Sébastien, alias Pootoogoo. Sébastien tient un blog où il raconte avec verve, passion et acharnement l'histoire du café.
Son travail est colossal, extrêmement bien documenté et d'une écriture captivante.
C'est assurément le meilleur historien/conteur/archiviste de l'histoire du café francophone, pour ne pas dire plus.

Alors de temps en temps je lui transmets des petites trouvailles personnelles. Si ça peut l'aider..et je lui avais envoyé cette photo que j'avais repérée sur un site de vente.
 C'était il y a une paire de mois et l'intérêt portait sur le lieu, la date et parce que l'on avait déjà évoqué le nom de Juvara, mais sans plus de passion. Juvara étant plus un distributeur/rebadgeur.
Néanmoins puisque mon moulin portait la mention Juvara, je me suis souvenu de cette image.
Et je l'ai scruté attentivement.
C'est tout de même incroyable les coïncidences, même si Sébastien me dit que l'on touche au divin en la circonstance.
Si vous regardez attentivement à la gauche et en haut du stand, vous vous demanderez comme moi si vous n'avez pas la berlue !
En effet deux moulins similaires au mien trônent tranquillement là !
Si ça se trouve même, c'est l'un des deux..mais ça je ne le saurais certainement jamais.Juvara ayant cessé son activité en 2004.
J'arrive un poil trop tard. Mais que c'est troublant.




Voilà Armand est passé par là avec ses bonnes idées, comme à l'accoutumée.
Avec un système de cales en bois, on est arrivé à séparer les flasques sans dommage.
 Le tapotage faisant glisser les cales entre elles et ainsi écarter les flasques.
Bien plus sécurisant que de taper directement sur les rebords de flasques.



Et le moteur apparaît dans son entière nudité ! je suis ému.
il y a un "truc" qui me dérange, mais je ne sais pas encore quoi..




Armand a une technique de nettoyage qui m'a laissé perplexe, de l'eau pour le stator
et un bain d'huile pour le rotor.
Bon, à moitié rassuré je suis.



Le propre se fait partout.





Quitte à repartir sur des bases saines, autant mettre des roulements neufs.
Ce n'est pas très onéreux et c'est amusant de constater que la référence inscrite sur la tranche est toujours la même plusieurs décennies plus tard.



Les charbons sont un peu bizarres et il y en a un qui a été bouffé sur une bonne partie.
 Il sera réajusté à la lime.





L'opération de remontage peut commencer. Et il faudra bien taper un peu pour réinsérer les roulements dans leur "cage".








La classe cet Armand, bricolage en chemise blanche et cravate. Pourquoi pas..






Entre-temps j'ai reçu des nouvelles meules.
Là il a fallu ruser un peu car le diamètre
des meules Scai Arca ne se fait plus.
Et pour corser le tout ce sont des meules gauches, c'est-à-dire que le moteur tourne dans le sens contraire des aiguilles d'une montre.
Meules beaucoup moins fréquentes que les droites.
Alors j'ai trouvé des meules gauches Faema un peu plus petites 54 au lieu de 56mm et il a fallu repercer des trous dans les portes meules. Là encore,  il a fallu tout le talent d'Armand pour percer aux bons endroits. Il fallait que ce soit super bien centré, car à la moindre déviance la meule ne tournerait pas rond et risquerait de se briser sur l'autre meule.




Le plus gros du remontage est effectué et permet, ainsi, de commencer  à le faire fonctionner.
Normalement avec le bon positionnement des meules, des roulements neufs et
 un nettoyage de premier ordre, ce moulin doit repartir pour une seconde vie.


Mais non. Malgré son branchement derrière un transformateur adapté, le moulin ne tourne pas vraiment mieux.
Et le petit "truc" qui me chiffonnait un peu plus haut se révélait à mes yeux et c'était la jonction électrique des deux balais. Je trouvais ça bizarre.
A force de scruter les différents schémas de montage électrique de moteurs, je comprenais qu'il y avait une incohérence dans le branchement.
J'en faisais part à Gérard et aussitôt celui-ci comprenait le comment du pourquoi.
C'est un moteur à répulsion!! et Gérard m'avouait n'en avoir pas vu bien souvent et pourtant il en a vu bien d'autres.
C'est un moteur sans condensateur et il faut absolument que les balais soient placés d'une certaine façon pour le faire fonctionner.
On peut même faire varier la vitesse en jouant sur l'angle des charbons et ce montage lui conférait un couple assez conséquent.
L'utilisation de ce type de moteur a été abandonné.
Gérard me demandait comment était câblé le moteur, photo à l'appui, et à partir des éléments donnés a pu me guider afin de le rendre compatible sur le secteur 230 volts.
Chapeau l'artiste et infiniment merci.


Le remontage pouvait se finir tranquillement, à l'inverse du démontage..


..Et me permettaient de réunir deux  machines absolument délicieuses, faites l'une pour l'autre et d'une beauté tout droit sortie d'un autre temps.